Véronique Sanson : Les années américaines

Entretien avec Laurent Calut, co-auteur du livre : Véronique Sanson, les années américaines (Grasset). L’occasion unique de découvrir la fabrication d’un ouvrage exceptionnel consacré à une artiste surdouée.

Véronique Sanson fabrication du livre les années américaines

Au fil des chroniques d’un blog qui navigue entre l’Hexagone et le pays d’Uncle Sam, impossible de passer à côté de ce livre merveilleusement mis en page par Laurent Calut. Lorsque j’ai déballé le Graal de sa protection plastique, un délicieux parfum d’encre s’en est échappé. Une sensation que les amoureux du livre connaissent bien. Depuis l’enfance, où j’imprimais des fanzines sur la ronéotype du collège, bécane reluisante et ancêtre de la photocopieuse, jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours été convaincu que le bonheur se couchait sur du papier, même si les spécialistes ont raison (même quand ils ont tort) de se « spécialiser » dans l’annonce de sa mort annoncée. Comment imaginer la « drôle de vie » de Véronique Sanson autrement que sur un beau papier au grammage agréable au toucher ? Comment imaginer des photos de l’époque, des lettres, des notes personnelles, de petits croquis, autrement que dans un livre chaleureux ? Comment imaginer ses années américaines autrement qu’en « support physique », une expression chère à nos fameux spécialistes ? La réponse est qu’on ne peut pas imaginer une pareille chronique autrement qu’en livre. C’est tout simple.

Des montagnes du Colorado à Hawaii, du Québec à Los Angeles, ce récit extraordinaire est composé à quatre mains par Yann Morvan et Laurent Calut. Inutile de résumer ici le contenu de presque 130 pages du film de sa vie américaine : un panorama poétique en Cinémascope. Le livre paru aux éditions Grasset est loin d’être un copié-collé de lettres manuscrites ou de clichés d’époque, c’est un document rare et exceptionnel consacré à une artiste magique qui force l’admiration. Il est adressé non seulement à ses fans mais aussi aux nouvelles générations, qui découvrent en écoutant Véronique Sanson ce que la chanson française a de meilleur.

Pour illustrer le livre (ou l’inverse) : un CD studio + un CD live et une édition en double 33 tours vinyle des titres en studio sont dans les bacs depuis le 2 février. La playlist est parfaite. Tout comme la tournée triomphale de Véronique : « Les Années américaines », avec des dates supplémentaires tant le succès est au rendez-vous. C’est l’occasion de plonger dans l’univers « Bigger Than Life » d’une artiste exceptionnelle et d’une femme extraordinaire. Touché ! comme disent les Américains.

Véronique Sanson, les années américaines | Yann Morvan et Laurent Calut | Grasset | Sortie le 21 janvier 2015
Double CD : Véronique Sanson, les années américaines | Sortie le 2 février 2015 | Warner
Une : Yann Morvan, Véronique Sanson, Laurent Calut (Photo Violaine Sanson-Tricard)

Un entretien avec Laurent Calut, co-auteur et metteur en page

Par Fred

Bonjour Laurent. Merci d’accepter de répondre à quelques petites questions pour le blog chroniclefred.com. Je souhaite aborder le coté technique de la réalisation d’un très bel ouvrage musical que vous avez mis en page, consacré à l’aventure américaine extraordinaire de Véronique Sanson. 3 noms sont cités sur la couverture : Véronique Sanson bien sûr, vous-même – Laurent Calut –, et Yann Morvan. Comment avez-vous réparti les tâches pour confectionner l’ouvrage ?
Merci d’abord à vous. Au niveau du texte, Yann et moi sommes les coauteurs et, au niveau de la réalisation, de la mise en page de l’ouvrage, comme c’est mon métier, je m’y suis « collé », mais évidemment avec le regard de Yann puisqu’on cosignait le livre. Etant donné que nous ne sommes pas des auteurs connus, il est naturel que le nom de Véronique vienne en premier, il est accrocheur et il était évident que les gens l’achèteraient davantage pour le contenu que sur le nom des auteurs.

Le rôle de Véronique, c’est d’abord qu’elle a accepté que le livre se fasse. On l’a vraiment fait avec elle. On a écrit Yann et moi un texte qu’on lui a soumis. Il y a eu une séance de relecture chez elle, qui nous a pris des heures et des heures. Le premier soir, on a fini à quatre heures du matin, on ne s’était pas rendu compte du temps qui était passé ! Elle relisait en disant : « Ça, ce n’est pas comme ça que ça c’est passé, ça c’est pas vrai, ça, par contre, je peux vous raconter ça… ». On a modifié le texte en fonction de ses interventions. En ce qui concerne les photos, on les a choisies avec elle. On avait fait un premier choix ensemble (NDLR : avec Yann) qu’on a ensuite soumis à Véronique. Et là c’est encore autre chose, un autre regard, le regard de l’artiste sur lui-même… Et on a passé encore du temps derrière l’écran à choisir les photos ! La photo de couverture ne l’emballait pas vraiment, mais elle plaisait à tout le monde. Elle a fini par faire confiance et donner son accord.

« J’ai l’impression que la mise en page s’est faite toute seule »

Combien de temps avez-vous consacré pour organiser les documents jusqu’au moment de sa mise en page sur l’ordinateur ?
Nous n’avons pas travaillé à plein temps dessus car on a chacun des occupations. Il me semble qu’on a signé le contrat d’édition au mois de mars 2014, et on devait rendre la copie le 30 septembre, c’est-à-dire la date exacte de la préface de Véronique. Parce qu’évidemment on lui a couru après pour avoir cette préface et elle l’a rendue le dernier jour (sourire)… On s’était donné rendez-vous à Paris ce jour-là en lui disant qu’on ne pouvait plus attendre, on devait rendre le tout le lendemain. Elle avait déjà rédigé dans la nuit un brouillon sur un cahier et l’a mis au propre devant nous sur une feuille A4 qu’on a scannée dans la nuit et envoyé tout de suite à Grasset (NDLR : l’éditeur).

Je trouve que vous avez su recoller des morceaux de vie pour en faire visuellement quelque chose de très limpide et agréable sans que cela soit d’une rigidité absolue, ce qui donne un aspect unique et intimiste au livre. Vous aviez une idée en tête pour la mise en page dès le départ ?
Je suis assez fataliste, les choses se font comme ça… Evidemment, j’y ai pensé beaucoup avant. Quand je dis fataliste, c’est dans le sens assez magique, j’ai l’impression que la mise en page s’est faite toute seule. Je faisais couler le texte et je me disais : « Bon c’est le moment où il faut mettre cette photo-là et ce fac-similé, etc. » Je n’ai pas eu à revenir trop dessus car tout se passait bien… Tout tombait bien, peut-être parce qu’on avait bien travaillé en amont, surtout au niveau des photos. On en a en rab car on n’a pas pu toutes les caser dans le livre (on n’avait que 128 pages). La chance que nous avons eue est que l’éditeur nous a laissé carte blanche pour la mise en page.

Pour les fans, ce livre est presque autant un objet qu’un document. Le papier à fort grammage, les pleines pages photo et des marges qui laissent respirer le texte en font aussi un ouvrage chaleureux, à l’image de l’artiste. Qui a décidé des choix typographiques ? L’éditeur, Véronique ou Yann sont-ils intervenus dans votre réalisation technique ?
J’avais une typo en tête, le Kievit, que j’ai proposée d’emblée. J’ai montré un essai de mise en page à Yann, on se doutait bien que plus on le montrerait à des gens et plus on aurait d’avis différents. Comme nous étions plutôt contents l’un et l’autre du rendu, on a avancé en espérant que personne ne vienne nous embêter là-dessus ! Mais tout le monde était content. Nous avions le soutien inconditionnel de Violaine (NDLR : soeur de Véronique Sanson). L’idée du livre remonte à 2012, mais c’est elle qui y a cru en premier et qui nous a obtenu le contrat d’édition. Elle a un savoir-faire irremplaçable ! On a envoyé un pdf (NDLR : pour visualiser les pages en cours de réalisation) à Véronique assez vite qui nous a rappelés en nous disant que tout allait bien. Elle était très contente. Le choix du papier, c’est mon choix dès le départ. Il y a beaucoup de mooks en ce moment (contraction de « magazine et livre »), on en trouve en particulier sur la mode. A la Librairie anglaise, rue de Rivoli, à Paris, il y en a un mur entier et tout ces livres sont dans ce même papier. Ils valent entre 10 et 15 euros, se sont des trimestriels et ils sont super beaux ! J’avais envie de ce papier-là et de l’odeur sur ce papier. Il a fallu se battre un petit peu pour ça parce que les imprimeurs ne sont pas forcément contents de travailler en offset, ils n’ont plus envie. Ça demande un traitement spécial des photos parce que c’est un papier qui absorbe l’encre différemment. Grasset a fait un travail extraordinaire sur les photos.

POLAROID VERONIQUE SANSON
Polaroïd : Mai 1975, Colorado (Collection personnelle Véronique Sanson)

Votre blog « Harmonies Véronique Sanson » est une mine d’informations à propos de l’artiste. Quand a commencé votre passion de l’archivage ?
J’ai fait un petit fanzine de 1979 à 1984 ou 85, qui s’appelait « Harmonies » et qui était dédié à Véronique. J’ai commencé comme ça. Quelqu’un en 2009 m’a dit : « Tu sais que ça fait trente ans que tu as commencé “Harmonies” » ! Et je me suis dit que c’était l’occasion de scanner les fanzines et de les mettre en ligne. Donc, j’ai créé ce blog à ce moment-là. Et puis, une fois que j’ai eu scanné toutes les pages, je me suis dit que ça ne faisait pas beaucoup, je pourrais ajouter d’autres choses ! J’ai essayé de retrouver Isabelle de Funès. Je l’ai interviewée pour le blog, puis Marc Kraftchik, qui est un ami musicien de Véro… Je me suis aperçu qu’il était mon voisin et qu’il avait des tas de choses à raconter. Et puis j’ai scanné toute la presse de Véronique, tout cet archivage, car je me suis dit qu’on pouvait le partager. A ce moment-là, Violaine nous a contactés, Yann et moi, pour nous demander si on voulait s’occuper du site de Véronique et le remettre à jour. C’était au moment de la sortie de l’album « Plusieurs lunes » de 2010. On a travaillé avec une agence de créa, qui a dessiné les pages du site et on l’a rempli. Il y a donc deux choses en parallèle : le travail avec Yann sur ce site et le blog que je fais seul et qui me permet de mettre des choses en plus…

Avez-vous d’autres projets de livre ?
On en a peut-être un… Ça a été un travail formidable d’écrire à deux et ce n’est pas évident ! C’est ce qu’on s’est dit avant, ce qu’on s’est dit en le faisant, mais finalement on n’aurait pas pu le faire l’un sans l’autre. On avait vraiment besoin du regard de l’autre parce qu’on s’est apporté beaucoup de choses. C’est assez stimulant d’écrire quelque chose en sachant que quelqu’un va le relire tout de suite. Après, il y a eu le travail d’éditing avec l’éditrice et puis le travail de relecture de Véronique. Mais nous deux, c’était déjà vachement stimulant, créatif et intéressant ! On repensait toujours à des trucs, on se notait des choses comme ne pas oublier cette photo-là, etc. On a profité de la possibilité de contacter des photographes pour leur demander s’ils avaient telle ou telle photo. On a retrouvé la première série des photos de Véronique en tant qu’artiste professionnelle. C’est la photo noir et blanc qu’il y a tout au début du livre (NDLR : page 10). C’est une photo signée Christian Rose. C’est Marc Kraftchik qui m’a appelé un jour en me disant qu’il l’avait croisé ! Tout ça s’est fait ensuite en concertation avec l’éditeur. Le reste, ce sont des photos qu’on a retrouvées chez Véronique, comme la série de photos de la pochette du « Maudit », par hasard en faisant du rangement chez elle. On était comme des fous ! Il doit y avoir 36 photos, on a pu en mettre quatre dans le livre. Les photos elles-mêmes pouvaient générer l’idée d’un livre car elles sont magnifiques. Mais un tiers de texte, un tiers de fac-similés des cahiers, un tiers de photos, je crois que ça fait un bon cocktail !

Merci infiniment LAURENT CALUT d’avoir consacré un peu de temps sur mon blog pour parler de ce très beau livre.
Merci à vous.


Liens sur une drôle de vie

Retrouvez Véronique Sanson sur www.veronique-sanson.net et sur Facebook : Véronique Sanson Officiel

Découvrez Harmonies Véronique Sanson, l’extraordinaire blog de Laurent Calut, une mine de documents consacrés à l’artiste.

Découvrez Harmonies Véronique Sanson !

Un grand merci à Laurent Calut pour sa gentillesse, le temps consacré à notre entretien et les visuels qu’il m’a aimablement autorisé à publier.
Photo Une : Violaine Sanson-Tricard – Polaroïd : Mai 1975, Colorado : Collection personnelle Véronique Sanson.